Et 1,25 % de ceux qui ont vote a toutes les elections en 2003 ont vu un bulletin de vote rejete pour cause de non-conformite au milieu des regles du systeme electoral.
Lors de certaines elections recentes, des bulletins rejetes comptaient concernant pres de 2 % des voix exprimees. Dans ces cas, les bulletins de vote ont ete annules par des electeurs, volontairement ou non, d’une maniere ou d’une nouvelle: croix multiples, messages de protestation, bulletins blancs, etc. Aux dernieres elections, votre parti tres informel de ceux qui annulent leur vote a ainsi obtenu plus de voix en urnes que l’Union des forces progressistes, le Parti vert et l’ensemble des tiers partis!
Le syndicaliste Jacques Chartrand, presente depuis des decennies comme un homme au sens moral et civique exceptionnel, a souvent suggere d’annuler son vote. «Puisque la totalite des candidats veulent une beaucoup, raille-t-il, il convient avec gentillesse de donner une chance a chacun en tracant une belle croix a cote du nom necessaires!» Pour votre homme qui vient de celebrer le 90e anniversaire, annuler le vote a toujours ete une facon directe de protester contre le systeme et l’architecture politique en place. Notre chansonnier Richard Desjardins critique lui aussi, a ses heures, l’institution electorale, soulignant a l’occasion que puisque la population a maintenant le droit de voter, il ne lui est plus qu’a obtenir le droit de selectionner.
Au systeme actuel, des votes annules ne sont jamais comptabilises formellement mais se retrouvent dans la rubrique vague des «bulletins rejetes». Annuler son vote — ou meme ne pas voter, bien seulement — constitue pourtant une option politique, meme si notre systeme politique tend a en minimiser la legitimite. «Au Quebec, le Directeur general des elections fournit de l’equipement a toutes les ecoles pour apprendre a toutes les jeunes a voter, en collaboration avec le ministere de l’Education», explique Francis Dupuis-Deri, professeur de science politique a l’UQAM. «Tout notre systeme politique repose via l’enseignement de ce comportement qui considere tel un bon citoyen celui qui vote.»
Le fait de ne pas voter ou d’annuler le vote constitue-t-il une manifestation evidente de decrochage social?
Pas forcement, croit l’universitaire: «Ce n’est pas certain. Notre vote, tel que c’est exerce, c’est d’abord la manifestation de la conception aristocratique d’la agence: le pouvoir reste accapare par une elite, contrairement a ce que laisse entendre l’idee d’apri?s laquelle le peuple est souverain par l’entremise de l’ensemble de ses representants.»
Est-ce donc une faute pour un citoyen de ne pas aller voter ou d’annuler le vote? Pour Vincent Lemieux, professionnel des phenomenes electoraux et professeur emerite a l’Universite Laval, le desengagement envers l’univers politique classique reste un phenomene relativement recent qui touche l’ensemble des democraties dites occidentales. «Sauf dans deux ou trois pays, c’est partout qu’on constate desormais des taux de participation a sa baisse, surtout chez nos jeunes. Si l’abstention de jeunes de 18 a 24 annees persiste, cela pourrait avoir de lourdes consequences sur le systeme.»
A l’heure ou la publicite de masse reste le principal moyen qu’utilisent les partis politiques pour rejoindre la population, les mecs se sentent plus eloignes que jamais des enjeux electoraux, croit Vincent Lemieux. «Certaines etudes ont montre qu’un contact direct au milieu des candidats encourage la participation. Mais l’eloignement du monde politique avec rapport a la base populaire n’est si»rement gui?re le seul facteur qui explique la depolitisation», s’empresse-t-il d’ajouter.
D’ou vient l’idee qu’il faille absolument voter? Dans l’histoire des pensees politiques, la recherche d’un monde meilleur ne semble s’i?tre pas forcement conjuguee avec la participation a un scrutin. Loin de la.
Jean-Jacques Rousseau lui-meme, au Contrat social, affirme que la volonte populaire ne se delegue jamais par le vote. «La souverainete ne est en mesure de etre representee», dit-il. Rousseau raille bien particulierement les illusions qu’entretient a cet egard le parlementarisme britannique, dont le regime canadien est evidemment issu. Au Contrat social i chaque fois, il ecrit en effet ceci: «Le peuple anglais crois etre libre; il se trompe vraiment, il ne l’est que durant l’election des membres du parlement; sitot qu’ils sont elus, c’est esclave, i§a ne sera pas grand chose. Au sein des courts moments de sa liberte, l’usage que celui-ci en fera merite bien qu’il la perde.»
Dans votre autre post celebre, le philosophe francais Jean-Paul Sartre soutient quant a lui que les elections ne sont en fera qu’«un piege a cons». Apres s’etre livre a une longue analyse historique du systeme francais, Sartre en arrive a dire, dans ce post des annees 60, que des bulletins de vote, apres l’addition des suffrages, ne font gui?re apparaitre l’interet commun du plus large panel mais bien le seul interet de quelques-uns, bien en forcant la plupart un moment des individus a trahir leurs interets collectifs. D’ou le sentiment que le refus de voter, sous une forme ou une nouvelle, puisse etre clairement legitime, voire tout a fait raisonnable.
Dans plusieurs des mouvements de contestation qui animent et secouent toute l’histoire de la pensee politique, on croit, au meme esprit, que le jeu electoral est tordu a sa base meme et qu’il ne sert, en definitive, qu’a reconduire pour un nouvelle mandat des entites deja en place et quasi immuables.
Au Quebec, Afin de des elections de lundi, le collectif libertaire «Nous on vote gui?re!» propose l’abstention d’apres une logique de simple opposition au i?tre capable de de l’Etat. Ce s’inscrire sur together2night groupe disait hier, par voix de communique, vouloir «defendre la legitimite de l’abstention comme parti pris politique viable». Sur son blog, il explique que «l’Etat est la forme que prend une classe pour asseoir sa domination et la faire accepter au nom de « l’interet general ». L’Etat perpetue ainsi la societe divisee en classes sociales antagoniques: ceux qui possedent et ceux qui doivent travailler pour subvenir a leurs besoins».
Anais, une jeune preposee aux beneficiaires toute frele, ainsi, son ami Olivier, stagiaire en cooperation internationale, ont installe devant un demeure, bien en haut d’un petit commerce du quartier Hochelaga-Maisonneuve, une banderole qui incite les passants a ne pas voter. «On n’est jamais des anarchistes, explique Olivier. Moi, je milite plutot pour l’environnement.» Quant a elle, Anais s’interesse surtout au sort fera a toutes les malades en psychiatrie. Pour eux, gui?re question de voter: la societe doit remplacer via d’autres revenus que nos elections, qu’ils considerent au maximum comme un «simple cirque».